Les vestiges de la partie orientale du site, hors du champ de dunes, sont lisibles dans leur continuité. Seule la frange est a été détruite sur une profondeur indéterminée par la continuité des cultures. Le terrain est totalement aménagé.

Les volumineux amoncellements de déblais de l'exploitation du puits PA ('Ayn el-Mansouriya el-Bahariya) pour irriguer, aux époques mamelouke et ottomane, le parcellaire CG recouvrent les ruines d'une construction monumentale GA. Le parcellaire quant à lui recouvre le jardin enclos JC, visible à l'ouest et les habitats HK et HL qui émergent au nord du parcellaire. Le parcellaire CG se développe à l'est du puits PA. Des bosquets de palmiers sont encore visibles. L'érosion en yardangs empêche de lire le module d'exploitation de ce parcellaire de 8,5 ha. Il se prolonge au sud et au nord-ouest par les jardins JD, exploités eux aussi du XIIIe au XVIIIe siècle de notre ère.

La construction monumentale GA est un vaste rectangle régulier de près de 4500 m² au total en briques crues, qui paraît dater du Ve siècle de notre ère.

Les habitats HK et HL semblent assez bien conservés, les départs de voûte étant visibles en HK. Ces deux ensembles sont datés eux aussi du Ve siècle.

Les vestiges d'adduction d'eau appartenant à ce système ancien sont soit issus d'un puits à l'emplacement de PA, et enserré dans la construction GA (aqueduc EO, ER, ET et bassins associés EP, EQ), soit de puits masqués par les dunes à l'ouest via les écoulements EM, EL. Les puits PE et PF sont peut-être des puits équipés de saqia. Ils irriguent les vastes parcellaires CA et CF, comme les jardins JC , JD, JE et JF. Certains de ces jardins conservent encore la trace de bosquets de palmiers. Au total, les parcellaires ouverts de ce système représentent plus de 37,87 ha. Cependant, le sable pelliculaire qui les recouvre empêche de lire l'organisation et le module des espaces de culture. La limite ouest du parcellaire CA est fixée par le champ de dunes et il est probable qu'il se déploie plus loin vers l'ouest. Ces ensembles sont eux aussi datés du Ve siècle de notre ère.

Au nord, le puits PG ('Ayn Ramah) alimente le parcellaire CH. L'organisation de ce parcellaire de 3 hectares environ ne peut être mesurée précisément compte tenu de l'érosion de surface. De même, la limite ouest est taillée en yardangs, indiquant qu'il s'étendait au-delà. Ce parcellaire, qui conserve la trace de quelques palmiers, semble avoir été exploité au cours de la période ottomane, sur des terrains qui avaient déjà fait l'objet d'une mise en culture au cours du Ve siècle de notre ère.

Sous et autour du parcellaire CH, nous avons pu observer quatre zones d'habitat (HT à HW), qui représentent au total 1,26 ha. Tous sont datés du Ve siècle de notre ère. Dans cette zone, seul l'habitat HV, sous le parcellaire, a fait l'objet de pillages, sans doute opportunistes liés à la réexploitation des terres.

D'autres zones d'habitat encadrent à l'est (HM, HO et HS) et dans une moindre mesure à l'ouest (HK, HE, HF, HJ, HH et HI) les cultures associées au puits PA.

Aux habitats HH et HI sont attachés des ateliers de potiers AB et AA. Des enclos (BA, BB et BC), des constructions isolées (IA, IB, IC, ID et IE), des dépotoirs (DA, DB, DC, DD, DE) sont dispersés à travers ces ensembles. Tous ces ensembles témoignent d'une occupation très dense de cet espace au cours du Ve siècle de notre ère. Cependant, cette occupation n'est pas une agglomération, mais, à l'image d'Ayn Manâwîr, un ensemble de fermes et de hameaux liés à l'exploitation d'une terre bien mise en valeur par un apport en eau conséquent.

Dans la partie ouest du site, plusieurs "fenêtres" ouvertes entre les dunes permettent d'identifier des groupes organisés. A l'ouest, deux puits, PC et PD, irriguent un parcellaire CE de près de 19 ha, dans lequel deux buttes supportent des constructions : HC et HD. La conduite de tuyaux EH est connectée au puits PC et au bassin EI. Elle est peut-être connectée aux canalisations parallèles EU, EV et EW. Une partie de ces équipements est bâtie en pierre et en briques cuites et possède des enduits à la chaux. Ce parcellaire, bien qu'assez lisible, ne peut l'être suffisamment pour déterminer le module de cultures. Le mouvement des dunes depuis nos visites (en 2007) modifie la lecture et une partie des vestiges ne sont plus visibles actuellement. Cet ensemble est daté du Ve siècle de notre ère.

Au centre du site, le puits PB commande un parcellaire en partie érodé, CB, les deux jardins clos JA et JB et peut-être, au sud, les parcellaires CC et CD. Un réseau complexe de conduites (EF, EG) et de rigoles (EA, EB) distribue l'eau via de petits bassins maçonnés (EC, ED etc) aux groupes de petits enclos qui constituent les jardins JA et JB. Au total, il y a plus 13 ha cultivés dans cette zone centrale, qui ne se trouvent en fait que 500 m à l'ouest de la zone dégagée, à l'est du site. Là encore, les mouvements des dunes ont largement occulté les observations faites sur le terrain en 2007.

La zone d'habitat HA, de plus de 2000 m², est entourée par les jardins et s'ouvre au nord sur le parcellaire CB. Les voûtes en sont partiellement conservées et la limite est est masquée par les dunes. Cet habitat a été l'objet de quelques pillages manuels. Il a été occupé au cours des IVe et Ve siècles de notre ère.

Une construction HB, pillée, contemporaine de HA, émerge des dunes au sud.

Quelques dépôts isolés de céramique sont les vestiges les plus excentrés: DJ à l'est et DF au nord.

Mobilier céramique : Les ensembles PA, CG et HG forment le cœur de l'occupation ottomane. Ces 3 ensembles ont livré le plus bel assemblage de céramiques datées de l’époque ottomane (Phase 12) de tout le bassin sud de l’oasis; ils nous ont permis de reconstituer les principales catégories de récipients domestiques utilisées à cette période. La vaisselle la plus abondante en tous les points du site est maintenant bien identifiée comme de grandes jarres globulaires de stockage (Famille générique TM66; TM77A, TM75, TM78A, TM92, TM84). Elles sont faites en pâte locale très dure à larges plaquettes (FR16B) et portent fréquemment de larges décors peignés de « wavy-lines » sur 1 ou plusieurs registres. On note également la présence de jarres à col étroit faites grossièrement à la main (TM78 et TM17A).

Une autre catégorie de récipients est également très caractéristiques des assemblages de cette période, il s’agit des grands bols au façonnage très régulier aux parois très épaisses, à engobe rouge, ils sont sans doute utilisés pour les préparations alimentaires (Famille générique TM80A-B/TM16) ils portent ou non des décor incisé de « wavy-lines » et/ ou décor pincé. De larges bassines à marli plats portent elles aussi fréquemment des décors internes de « wavy-lines » larges et de triangles incisés (TM105). Ces décors assez systématiques sont représentatifs du répertoire décoratif de formes ouvertes et fermées de cette Phase en Égypte ou ailleurs au Proche Orient comme en Syrie (cf V. François, Les céramiques ottomanes au Bilâd al-Châm et à Damas», 2008).

La céramique culinaire comprends de grands plats de cuisson à anses «cavalier» TM23 sont également significatifs et quelques marmites (proche TM46).

Les vases à eau, avec de grandes gargoulettes à filtre, à col haut en pâte locale blanche (TM119, 119A pâte FR12) sont également bien identifiées, quelques fragments de décor de triangles (TM120) sont sans doute des éléments qui appartiennent à ces gargoulettes à pâte fine.

Les autres productions locales en pâte blanche ou rouge locale concernent des barillets à 2 anses (TM16, TM120 TM121 TM122). On identifie également des siga simples sans décor à col court tronconique en argile locale (TM55B-C, TM117-118).

La vaisselle de table, principalement des bols, est bien représentée à travers une abondante vaisselle à glaçure. Dans la presque totalité des cas, il s’agit d’une céramique importée de la Vallée du Nil en pâte alluviale fine brune ou plus rarement orangée. Toutes les pièces portent un engobe épais neige orangé, la glaçure peut être monochrome TM81(vert bouteille) ou elle porte un décor plus complexe grâce à des combinaisons de couleurs différentes (jaune, vert, brun-noir, marron) et d’incisions dans l’engobe («sgraffiato»TM8b ). On recense des décors rayonnant de bandes verticales (TM79), des incisions géométriques (TM8B), et dans 1 cas seulement on a identifié un motif centré d’une coupe qui représente un oiseau stylisé (TM8B).

La datation de cet ensemble de céramiques, que l’on peut supposer homogène du début de l’époque ottomane (Phase 12) reste une hypothèse de travail. D’autre éléments, dont une grenade moulée décorée en grès (PA, inv. 6947), offrent quelques arguments supplémentaires pour cette datation haute, la période mamelouke (Phase 11) reste encore un candidat possible.

L’occupation byzantine (Phase 7/8 début du Ve siècle apr.)

Le mobilier céramique recensé est remarquable dans son homogénéité à travers tout le site. La présence récurrente d’amphores égyptiennes à pâte brune Late Roman 7 et d’un nombre significatif d’amphores chypriote Late Roman 1 autorisent une datation à partir de la seconde moitié du IVe siècle ou du début du Ve siècle apr. sans que nous soyons en mesure de déterminer le début et la durée de l’occupation byzantine dans le Ve siècle et dans le VIe siècle qui est une période très peu connue. La rareté de céramiques sigillées originaires de la vallée du Nil (Groupe O (1 exemplaire T192A KS209 HM), Groupe K aucun), ou encore de sigillées originaires d’Afrique du Nord (African Red Slip Ware) est un handicap. Il est vrai que la vaisselle de table locale l’Oasis Red Slip Ware supplée largement aux besoins des habitants de l’oasis, comme nous le prouve son abondante en surface du site.

Les formes de cette sigillée locale, tout comme les sigillées de la Vallée du Nil, copient elles aussi les modèles africains. Une étude plus précise comparative permettra sans doute de fournir quelques éléments chronologiques.

Les céramiques recueillies sur ce site sont fréquemment complètes ou archéologiquement complètes étaient déjà connues par ailleurs, elles viennent cependant à point nommé pour compléter utilement notre catalogue général des formes d’époque byzantine à partir de la seconde moitié du IVe siècle au début du Ve siècle apr. Notre principal problème est de préciser les faciès de la Phase 7 du IVe siècle avec celui de la période du Ve siècle Phase 8.